Textes 2015

fighting aggressive girl

Traduit par Thomas Quillardet

« Tristesse et joie dans la vie des girafes ». C’est le nom de l’exposé que s’apprête à présenter la jeune héroïne de la pièce, Girafe.

Depuis la mort de sa mère, elle vit seule avec un père triste et, depuis peu, sans travail. Pour girafe, le chômage de son papa a un impact direct sur la préparation de son devoir de classe. Elle n’a plus accès à sa chaîne de télévision favorite Discovery Channel. La petite fille qui n’envisage pas un tel sacrifice se met en tête de partir à la recherche de tout l’argent nécessaire pour s’y abonner à vie.

Accompagnée de son ours en peluche au franc-parler Judy Garland, elle s’engage dans une quête aux frontières de l’imaginaire et du réel. À l’instar du conte, les rencontres successives de nos deux téméraires avec un banquier désabusé, une panthère un peu voyou, le Premier ministre portugais refusant de légiférer sur le droit au braquage ou encore Tchekhov, sont autant de demandes insatisfaites qui mèneront Girafe à grandir.

Voyage initiatique vers l’adolescence et la sortie de l’enfance, Girafe trouvera tout autre chose que ce pourquoi elle avait entrepris sa fugue.

fighting aggressive girl


Traduit par Adelaïde Pralon

Chaque année, l’institution Sainte-Hélène sélectionne vingt filles pour leur offrir une scolarité privilégiée. Ensemble, elles forment rapidement une bande si soudée que rien ne semble pouvoir ébranler.

Le jour où une photo nue de Scarlett circule en un temps record sur les écrans de téléphone, c’est tout un collège qui est prêt à sauter sur sa vulnérable proie.

« Et c’était pas prévu, mais on se détourne toutes. On tourne le dos. Comme une vague. Toutes les filles de Sainte-Hélène qui se retournent en silence. Et je me sens… je fais partie d’un groupe, tu vois. […] Et je suis dégoûtée de pas avoir filmé. Parce que c’était beau, vraiment beau. Comme un ballet » dit l’une d’elles.

Les insultes et les commentaires obscènes fusent, qui attisent un peu plus l’instinct grégaire de « ces filles-là ». Qu’est-ce qui pousse toute une cohorte de filles à se détourner de leur camarade et à faire de sa vie un enfer ?

Sensible aux problématiques adolescentes, Evan Placey s’attache ici à la force du groupe, à la pression qu’il fait peser sur l’individu. Totalement absente à l’esprit des jeunes-filles, la cause féministe fait irruption au gré d’interventions de femmes ayant chacune en leur temps lutté pour leurs droits et ceux de leurs filles. Ces filles-là est un appel à la vigilance.

fighting aggressive girl

Un atelier d’écriture en prison.

Boris, jeune écrivain, animateur de l’atelier et quatre détenus se rencontrent autour d’exercices et de jeux littéraires. Dans une ambiance tendue et décalée, un univers poétique se construit malgré l’enfermement, la violence et les incompréhensions burlesques. Des mondes se percutent. Des textes s’écrivent.

Résolus à jouer une histoire de mafieux meurtriers avides de pouvoir et profondément machistes, les détenus, d’abord manipulés par Boris puis s’émancipant, développeront une ré-écriture de la pièce d’Aristophane Lysistrata, se travestiront en femmes casseuses de grève et questionneront dans un poème lyrico-comique la démocratie et ses exclus.

fighting aggressive girl

Traduit par Hala Omran et Wissam Arbache

Dans un appartement de Damas, Siba trente ans, vit aux côtés d’un père plongé dans le comas depuis de nombreuses années. Sous le joug de son frère qui lui impose une telle situation, elle a le sentiment de n’avoir pas vécu.À ses côtés gravitent deux hommes, le médecin et confident Ammar qui voit son mariage avec Hanane s’effondrer, et Saad le petit-ami qui se présente à la nuit tombée et qui refuse de s’engager.

Tout en lui promettant une vie meilleure, ils en viennent à exercer sur elle une pression insidieuse et morale, violence à travers laquelle l’auteur pointe la condition des femmes en Syrie. À l’image d’un horizon obstrué, les murs de l’appartement semblent progressivement se resserrer et étouffer les personnages. Le devoir, le respect ou encore l’honneur sont autant de notions qui traversent ce huis-clos imaginé par Wael Kadour. Pourtant, dans cette pièce où les contradictions de chacun déterminent la relation à l’autre et in fine à soi, l’auteur ne succombe jamais à un quelconque manichéisme.

fighting aggressive girl
Afrique du Sud. Entre 2006 et 2011.

Le procès de Zuko, accusé du viol et du meurtre de Madele, constitue le pivot de cette pièce prenant pour sujet les viols correctifs perpétrés à l’encontre des lesbiennes, dans le but de les remettre « dans le droit chemin ». Au fil d’une écriture faite d’allers-retours temporels, Guillaume Poix dresse le portrait accablant d’une réalité abjecte.

Si le mariage gay est autorisé depuis 2006, une partie de la population et des mentalités résiste toujours. Noxolo, Madele, Savannah et les autres ont lutté et milité pour leurs droits. Femmes assassinées pour avoir aimé d’autres femmes, elles forment le chœur des fantômes. Planant au-dessus de la pièce et du procès, leur voix nous rappelle les jalons politiques et législatifs de l’Afrique du Sud et porte la mémoire du progrès social et humain.

Comme un pas de côté poétique et un hymne à l’amour et au désir, la relation entre Kayla la jeune militante et Eudy la joueuse de foot donne lieu à des descriptions d’une intensité aussi forte que leur amour sera bientôt bafoué par la mort. Straight est un mot qui fait froid dans le dos.
Et moi et le silence

Traduit par Dominique Hollier

Adolescentes, Jamie et Dee se sont rencontrées en prison.

L’une est noire, l’autre est blanche.

Le décor est celui non reluisant de l’Amérique des années cinquante.

Naviguant entre le temps de la détention et la période de leur liberté retrouvée, Et moi et le silence dépeint la force vitale qui anime deux femmes déterminées à s’en sortir. Duo de galère durant l’incarcération, elles rêvent au jour de leur sortie, se projettent domestiques et indépendantes. Une façon de fuir, de tenir jusqu’au moment tant attendu.

Naomi Wallace se penche sur le difficile passage d’un état d’emprisonnement à un état de liberté. Et si la vie « dehors » se révélait un enfermement plus pesant encore que la prison ? Neuf ans après, Jamie et Dee se confrontent à un monde réel qui refuse de les accueillir et dont les travers n’ont pas changé. Racisme, violences faites aux femmes, justice inéquitable et chômage peuplent le triste récit d’existences meurtries. Toute la délicatesse de l’écriture de Naomi Wallace se retrouve dans cette pièce, qui offre au passage deux poignants rôles de femmes.

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