Edito 2012

PAR OÙ COMMENCER ?

La question tombe, d’abord comme une tentative d’évaluer, de ré-évaluer ce que nous possédons encore comme capacité pour affronter cette saloperie de monde qui nous entoure. Puis, elle prend la figure d’une injonction. Une injonction qui nous inviterait à charpenter avec souci, des stratégies nouvelles pour continuer à tenir, continuer à rêver de démesures avec démesure lors même que des coups sont sans cesse assénés sur nos têtes pour nous rappeler que nous ne devons regarder que ce qu’il y a au bout de notre nez.

Car, quelles sont les forces vives qui nous restent pour continuer à tenir, pour ne pas avoir peur d’entamer des opérations commandos, pour dynamiter ce qui nous asphyxie quotidiennement ?

Nous ne savons pas si nous répondrons à cette question. Nous ne savons si nous trouverons des solutions à ce PAR OÙ COMMENCER. Nous ne savons pas si d’ailleurs il faut tenter d’y répondre. Seule certitude, nous souhaitons qu’à nouveau les histoires nous saisissent à la nuque, lors même que l’on pense que le monde qui nous entoure n’a plus besoin de nous pour avancer.

Le théâtre est un des derniers lieux où nous pouvons encore nous questionner sur notre sort collectif en ré-interrogeant sans cesse notre place dans la société lors d’un rassemblement, le temps d’une (re)présentation. Faire théâtre. Nous avons encore envie de croire que c’est par cette drôle de localité que peuvent se mettre en branle des prémisses de luttes et de combats, que c’est à cet endroit que peuvent surgir du dissensus, de la confrontation et de la mésentente.

Oui, l’acte théâtral a ce pouvoir d’arrêter le temps, de le rétrécir ou de l’allonger, voire de le rassembler pour faire parler, dialoguer des espaces-temps mutilés et réunir des incompatibles en modifiant la cartographie du partage du sensible.

Nous interroger sur notre contemporanéité au monde qui nous entoure. Penser l’universel en repartant de l’intime, réparer symboliquement des failles, inscrire des corps dans la vie de la cité, venir à ce qui est laissé pour compte, à ces choses anodines, raconter ce que l’on croit sans histoire et / ou qu’on préférerait croire sans histoire, chercher à créer du sujet, là, où a priori il ne semble pas y en avoir, voilà le projet de cette édition de Regards croisés. Voici le mot d’ordre qui rassemble les auteurs et les textes que nous vous proposerons : fouiller ! ce que le monde nous dit qu’il (n’) est (pas) !

Magali Mougel