Edito 2015

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Détruire, disons-nous

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Fille ou garçon, peu importe, il nous est tous venu cette idée : DÉTRUIRE.

Nous détruirions la planète.
Nous prendrions d’autres êtres et ceux qui mentent, se moquent, dissèquent, disloquent juste pour faire mal, seraient mis sur un bûcher et leurs cendres que l’on sèmerait sur la planète feraient de l’engrais à de nouvelles plantes qui nous permettraient d’à nouveau respirer.

Parce qu’on étouffe quand on a 15 ans. Et le seul remède à l’asphyxie est de prendre son mal en patience. Une résignation qui s’infiltre dans le corps et qui restera jusqu’à la mort : on attend de pouvoir claquer la porte aux nez des vieux mais la force bloquante de la résignation a déjà fait de nous des caniches d’appartement.

Et puis on s’aperçoit, les 15 ans passés, un jour à son établi, son bureau, sa table de travail, qu’à nouveau le même feu nous envahit. Cela se produit quand un patron, un contremaître, un N+2 ou 1 marche un peu trop fort sur le tuyau de notre oxygène.
Détruire, tout, pensons-nous.
La résignation se tapit un moment, mais elle refait surface et nous canalise à nouveau comme lorsque nous avions 15 ans.
On rature notre sous-mains, on fait de la boxe sur les casiers de la salle de repos, on claque le petit qui sort de l’école avec le pull troué etc.pour se défouler.
Ce qui a changé ? C’est qu’à 15 ans passés, on ne se gratte plus forcément les bras avec un compas pour se soulager.
Les armes ont changé !
On fume du shit, on se met de la coke dans le nez, on boit du whisky, on déguste des verres de vin, on fait du sport et on court chez Amazonia pour oublier tout ce qui nous dépasse.
Détruire voulons-nous.
Changer de régime politique !
Changer de corps !
Changer de vie !
Changer de monde !
Changer d’amant !
Changer de sexe !
Revoir son texte !
Revoir la mer !
Revoir le temps !
En prendre davantage !
En gagner !
En perdre !

Le monde – ou plutôt cette confrontation au monde et à ces lois qui s’organisent, que nous organisons pour imaginer respirer sur une pulsation commune – est ainsi mouvant. C’est une vague qui mastique nos corps, qui est la cause de nos incertitudes et nos doutes ou l’impossibilité parfois à se reconnaître. C’est un état mouvant qui s’étend, se rétracte et qui nous fait passer par ces états complexes qui oscillent entre la destruction et la résignation.
Un état, des désirs qui nous habitent que nous pensons propres à l’adolescence.
Nous avons encore les cicatrices de cet état.
Nous aurons peut-être toujours 15 ans car nous boiterons peut-être toujours dans les pas de nos pas de notre adolescence.

Magali Mougel

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