L’Europe dans tous ses états

  • Regards Croisés 23->28 mai

    Tant que l’on ne considérera pas que le théâtre est avant tout un lieu de réunion et d’échanges, où peut se constituer une assemblée, on ne trouvera pas de solution pour que le théâtre retrouve sa place au sein de la cité. Le public n’est pas une cible commerciale, il doit être pensé comme une assemblée, une assistance.

    Anne Surgers

    encart-webPoétiser la politique, politiser la poésie.

    L’Europe – territoire poétique et politique – est une mosaïque d’aventures humaines riche de langues et de cultures multiples. Le désir de réunir une demie douzaine d’écrivains venus de Belgique (Pieter de Buysser), d’Italie (Tino Caspanello), de Pologne (Artur Palyga), de Turquie (Berkun Oya) [et du Québec (Geneviève Billette)] pour partager leurs écrits et échanger sur nos points communs et nos dissemblances, sur nos pratiques et nos impasses, tomber d’accord absolument, s’engueuler copieusement, comploter contre un monde qui refuse obstinément de correspondre à nos attentes, est l’intuition que les écritures dramatiques ne sauraient se passer d’ouvertures régulières à d’autres approches, d’autres langues, d’autres points de vue. Créer un espace d’expérimentation, penser collectivement et en pratique la question de ce que nous faisons en ce début de vingt et unième siècle face à ce profond sentiment d’impuissance politique, à cette résignation quasi générale à l’ordre des choses, avancer enfin vers un théâtre qui puisse participer – sinon à la destruction – du moins à la remise en cause des représentations dominantes actuelles, unilatérales, unidimensionnelles, infantilisantes, réifiantes et cyniques, semble aujourd’hui plus qu’essentiel. Nous mettrons en place, avec Samuel Gallet, Magali Mougel, Laura Tirandaz et les auteurs invités, une coopérative d’écriture internationale et éphémère pour commettre divers attentats théâtraux et poélitiques dont nous rendrons compte à l’assemblée théâtrale chaque soirée du festival sous la forme d’un cabaret dramatique à l’issue des lectures. 
Le processus est en route.

Lecture au café

  • Lundi 13 décembre

Crime contre l’humanité

de Geneviève Billette
Léméac éditions

Avec Violette Jullian, Léo Ferber, Stéphane Czopek, Grégory Faive, Bernard Garnier, Philippe Saint-Pierre

L’Industriel veut convaincre son voisin, Kalr (le « r » a glissé) de lui céder son terrain. Ce dernier négocie avec des armes étrangement subversives : odeur, démangeaisons, vocabulaire, sommeil, pulsions… L’univers laminé d’ouvriers et de patrons bascule dans l’inédit. Allégorie méchante et étincelante de ce pouvoir multiforme dont chacun a soif. (NdE)

Kalr.— J’attendais cette rencontre avec impatience. En plantant cette pancarte à vendre, je savais que vous ne résisteriez pas au désir d’expansion. Heureusement. Un jour de plus à la perception…
L’Industriel.— Où travaillais-tu avant ?
Kalr.— Je regardais la télévision en mangeant des chips.
L’Industriel.— Je vois.
Kalr.— Vous vous méprenez. Manger des chips devant la télévision sans perdre une seule parole est un exercice de concentration d’une extrême difficulté. J’ai acquis une bonne concentration en m’y astreignant, c’est vrai. Mais j’ai surtout décuplé ma rage. Je hais la bonne conscience des dirigeants. J’exècre la compréhension des petits épargnants. Trop de bouches prononcent trop souvent les même mots. Ça me troue le cul. Déficit.
(il crache.) Efficacité. (il crache.) Productivité. (il crache.) Je suis allergique à ces insanités.

Geneviève Billette est diplômée en écriture dramatique de l’École nationale de théâtre du Canada. La plupart de ses pièces ont été portées à la scène au Québec. Son écriture a également été présentée en France, au Mexique, en Suisse et au Canada anglais. Geneviève Billette a reçu de nombreux prix pour Le pays des genoux. Elle a également écrit plusieurs textes pour la radio et signé trois traductions de textes mexicains. Son tout dernier texte, Évariste Galois contre le temps a été présenté en lecture publique par le CEAD, en janvier 2009. Geneviève Billette est membre du conseil d’administration du Centre des auteurs dramatiques (CEAD). Certaines de ses pièces sont éditées en France chez Actes Sud en partenariat avec les éditions Leméac (Montréal).

  • Lundi 17 janvier

Italie-Brésil 3 à 2

de Davide Enia
traduit de l’italien par Olivier Favier
avec le soutien de la Maison Antoine Vitez

Avec Bernard Garnier

En 1982, l’Italie remporte le mondial du football par une nette victoire sur l’Allemagne. Mais le match « historique » que choisit de nous raconter Davide Enia est celui des quarts de final. On sent d’emblée que le propos de l’auteur est double : transmettre une passion — avec tout ce qu’on peut en tirer d’élans sensuels pour ceux qui la partagent, et de distanciation comique pour celui à qui elle est plus étrangère — et en faire un instant de regard sur la vie — le moment de loisir devenant le véhicule des peurs et des rêves de tout un chacun. Olivier Favier

Assis à côté de mon père, il y a mon oncle Pepe, son frère. Maillot blanc. Pantalons de couleur clair. Chaussettes vertes. Les mêmes vêtements pour tous les match où joue l’Italie. Toujours les mêmes. Mais seulement pour les matchs où joue l’Italie. Et surtout, jamais lavés : “parce que sinon, la chance, elle reste dans la machine”.

Davide Enia est né en 1976 à Palerme. Comme Ascanio Celestini, il appartient à la deuxième génération du théâtre-récit. On lui doit notamment un récit du bombardement allié sur Palerme, Maggio 43 (prix Ubu 2003) et un dyptique plus intime sur l’adolescence intitulé capitoli dell’infanzia (2006-2008), publié en livre et DVD chez Fandango en 2009.

  • Lundi 21 février

Du pain pour les écureuils

de Pieter De Buysser
traduit du néerlandais (Belgique) par Anne Vanderschueren
© L’Arche Éditeur

Avec Thierry Blanc et Sophie Vaude

Marie-Jeanne et Moassi : deux êtres au statut précaire ; deux pions de l’histoire économique contemporaine. Elle, veuve d’un mari et d’un emploi, née pour consommer ; lui, veuf d’un frère et d’un pays, solitaire arabe errant sans papier. Ils habitent à Kortessem, un petit hameau dans le Limbourg. Ils ne se connaissent pas. Alors que tout les sépare socialement, ils se retrouvent pourtant dans une chambre d’hôtel près de la gare du Nord à Paris. La veille, ils sont tombés amoureux l’un de l’autre et pour la première fois de leur vie, tout peut basculer…

« Marie-Jeanne et Moassi s’aiment. J’espère pouvoir faire de leur être ensemble, de leur union, de leur capacité à se parler, un parasite dans la chambre des machines de l’Histoire. » Pieter De Buysser

Moassi.— Paris !
Marie-Jeanne.— Qui l’eut cru. Ce matin au Lidl de Kortessem et maintenant, ici, avec toi.
Moassi.— Tu es donc encore allée faire des courses, ce matin ?
Marie-Jeanne.— Oui, et toi aussi non ?
Moassi.— Non, pas moi, je me préparais depuis plusieurs jours, je ne savais pas au juste quand j’allais partir, mais je savais que j’allais partir.

Pieter De Buysser est né à Kapellen en 1972, après avoir suivi une formation théâtrale et étudié la philosophie, il s’est essayé successivement à l’écriture de pièces pour le théâtre, à la mise en scène, au cinéma. Il publie régulièrement des textes critiques. Son écriture : une exploration radicale de la langue et des codes théâtraux, alliant humour et sens particulier du tragique. Il a créé la compagnie Lampe avec laquelle il veut réaliser trois trilogies dont deux sont achevées aujourd’hui : Critique de la raison touchée et Critique du Pouvoir, où il interroge la philosophie kantienne. En 1998, il a reçu le Prix Émile Zola pour son essai Tijdpraktijken, een aangeklede rede. Textes disponibles en français : Du pain pour les écureuils et L’accueil d’Ismaël Stamp, chez l’Arche.

  • Lundi 21 mars

Mer

de Tino Caspanello
Traduit du sicilien par Bruno et Frank La Brasca
Éditions Espaces 34, 2010

Avec Stéphane Czopek, Léo Ferber et Grégory Faive

Avec une grande tendresse, cette pièce conte l’amour que se portent un homme et une femme qui n’ont pas les mots pour l’exprimer. Lui est assis au bord de l’eau, il attend. Elle est sur le point de rejoindre leur maison pour le dîner. Mais elle n’arrive pas à se décider à partir, à le laisser seul, ainsi. Alors ils tentent de parler de ce qui fait leur vie et petit à petit se révèle cet amour qui ne s’est jamais dit à haute voix. (NdE)

Femme._ Tu veux que j’te dise quèque chose ?
Homme._ Quoi ?
Femme ._Tu m’parais bien bizarre …
Homme._ Pourquoi ?
Femme._ J’sais pas … quand t’es à la maison tu parles jamais
Homme._ C’est toujours toi qui parles.
Femme._ Mais ici tu parles.
Homme._ C’est toi qui m’obliges à parler …

Né en 1960 à Pagliara près de Messine (Sicile), Tino Caspanello est auteur, acteur et metteur en scène pour la compagnie Theatro pubblico incanto qu’il a créée. Il est diplômé de l’Académie des Beaux-Arts de Pérouse. Il a soutenu une thèse en section scénographie sur le Théâtre de l’absurde et une autre en histoire de l’art. Il enseigne le théâtre à l’université de Messine. Son travail tente de reconstruire, dans une vision métaphysique, fragments de vie, petites fulgurances quotidiennes que, trop souvent, on a du mal à percevoir.
Il a écrit une dizaine de pièces dont Mari
qui a reçu en 2003 le prix spécial du jury Premio Riccione. Tino Caspanello a reçu le Prix de la critique italienne en 2008.

  • Lundi 18 avril

À la périphérie

de Sedef Ecer

Dilcha et Bilo ont quitté la campagne pour s’installer en ville. Sur le quartier des djinns, lls se construisent une baraque dans ce qui devient peu à peu un bidonville, en face d’une décharge d’ordures où les enfants vont jouer. Les habitants voient leur avenir assuré par l’installation d’une usine fabricant de l’insecticide. Tout le monde prospère, mais un accident déclenche des émeutes et les minorités se dressent les unes contre les autre. Les enfants orphelins, devenus adultes, rêvent de partir en Occident. Mais en occident aussi « La périphérie du monde est une poubelle ».

TAMAR. – Quand est-ce que je te rejoindrai à l’espèce Schengen ?
AZAD. – Espace.
TAMAR. – Quoi ?
AZAD. – Espace, pas espèce.

Née à Istanbul, romancière, auteur dramatique, scénariste, traductrice et journaliste, Sedef Ecer pratique plusieurs formes d’écriture en turc et en français.
Elle a écrit plus de 500 billets d’humeur, chroniques et articles, des émissions de radio et télévision pour les médias turcs et français, ainsi que des fictions, documentaires et un roman traitant tous de sujets politiques. Elle a aussi essayé des nouvelles formes comme des « micro fictions » ou des « conversations e-mails ». Publiée par les éditions de l’Amandier, lauréate CNT et premier prix des Rencontres Méditerranéennes, Sur le Seuil, sa première pièce en français a été créée en 2010. Elle a écrit À la périphérie, sa seconde pièce en français, suite à une résidence d’auteur et travaille actuellement sur un téléfilm (Flach Films) et un long métrage (Films à 4).